mercredi 30 novembre 2011

Blade runner de Philip K. Dick

Bon, réglons tout de suite deux points :
1- Non, je n'avais pas encore lu ce bouquin, pourtant classique. Honte à moi.
2- Ne me demandez pas le titre en français. "Blade runner" EST le titre français (seulement pour les éditions ayant suivi le film, me signale-t-on). En anglais, c'est "Do androids dream of electric sheep?" (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques?) ce que je trouve plus approprié.

Alors, ça raconte quoi ce bouquin? Eh bien, Deckard, le personnage principal, est un blade runner, c'est-à-dire un traqueur professionnel de créatures organiques manufacturées à apparence humaine appelées répliquants. Il reçoit la mission de trouver et d'éliminer quatre répliquants de dernière génération qui se sont échappés de la colonie extra-terrestre où ils étaient utilisés. Il espère que cette mission lui permettra de gagner assez d'argent pour remplacer son mouton électrique par un mouton organique. Évidemment, rien ne se passera comme prévu et Deckard en viendra à s'interroger sur ce qui sépare réellement les humains des répliquants.

Étant depuis longtemps une fan du film tiré de ce roman, je ne savais pas si j'apprécierais la lecture du récit original. Philip K. Dick fait partie des auteurs qui, selon moi, on souvent des concepts plus intéressants que leur rendu. (Je m'attends à une pluie de tomates...)

Cette fois-ci, j'ai cependant trouvé que le roman valait le coup. Bon, certains éléments ont été éliminés avec bonheur par les scénaristes du film (notamment une espèce de néo-spiritualité assistée par une machine et des orgues à humeur servant à se programmer soi-même son attitude du jour), mais d'autres auraient pu être gardés (surtout la relation quasiment révérentielle que les humains de cette Terre détruite entretiennent envers les animaux). L'action générale et les éléments-clefs de l'intrigue du roman ont été préservés dans le film.

Par contre, les scénaristes du film se sont permis de jouer avec une ambiguité qui est rapidement évacuée dans le roman : l'idée que Deckard lui-même pourrait être un répliquant. Ambiguité que j'ai toujours beaucoup aimée et dont l'absence m'a déçue.

Au final, "Blade runner" était un classique qui méritait d'être lu, ne serait-ce que, lorsqu'on connaît bien le film, pour se livrer au jeu des comparaisons!

(Lecture 2011 #47)

mardi 29 novembre 2011

Montréel d'Éric Gauthier

Éric Gauthier, dont j'avais énormément apprécié "Une fêlure au flanc du monde" est de retour dans l'univers du roman avec "Montréel", le livre québécois le plus difficile à chercher sur Google! (Essayez, vous verrez, Google s'obstinera à vous corriger le titre en "Montréal")

Je viens de terminer ma lecture et je dois dire que je ne sais pas trop comment vous résumer ça... Voyez-vous, "Montréel", ça tient de la collision entre "Ghostbuster" et les "Chroniques du Plateau Mont-Royal". Trippant, mais vaste et complexe mettons!

Dans un univers parallèle où la magie naît des concentrations d'humains en un même lieu (et surtout de leurs souvenirs et échos emmaganisés par les structures), la ville de Montréel est hantée par les fantômes, mais douze ancres (ainsi qu'une montagne immunisée à la magie) assurent sa stabilité... Jusqu'à ce qu'un quartier tout entier disparaisse, habitants inclus! Cela va bouleverser toute la ville, mais plus particulièrement les trois personnages principaux, soit :

- Clovis Thériaud, un sympathique concierge, qui se fait confier une mission par un fantôme apparu chez lui au cours d'une nuit mouvementée.

- Léopold Sanschagrin, locataire de l'immeuble de Clovis et mage rebelle de son état, qui se retrouve mêlé à la mission de Clovis par la force des choses... et qui s'empresse d'entraîner le jeune concierge dans quelques autres affaires troubles histoire de faire bonne mesure.

- Oscar Martel, le nouveau président de la Commission d’urbanisme de Montréel, dont le prédécesseur est décédé depuis peu et qui se retrouve sur la ligne de front des fonctionnaires chargés d'élucider la disparition.

Le tour de force d'Éric Gauthier est de nous donner l'impression que, autour de ces trois personnages centraux, c'est bel et bien une ville entière qu'on voit s'agiter, se questionner, tourner en rond, chaque individu tentant de maintenir une vie normale malgré le quartier disparu, les habitants envolés et la peur, constante, que son immeuble soit le prochain à se volatiliser.

Évidemment, avec une histoire de cette envergure, le récit avance lentement, avec des moments où il nous semble à la limite de l'éparpillement. Cependant, tous les éléments finissent par trouver leur place dans cette vaste fresque et on referme le bouquin en souriant, avec l'intention de revenir de temps à autre visiter les avenues, bien alignées, de Montréel. Seul le personnage d'Oscar Martel demeurera, au final, dur à cerner... mais, bon, ce n'est pas très étonnant puisqu'il s'agit d'un politicien et que cet univers parallèle n'est pas si éloigné du nôtre! ;)

(Lecture 2011 #46)

lundi 28 novembre 2011

Le dit du Musè (7)

Mon chum de me demander, hier :

- Savais-tu, chérie, que la gravité a un effet sur le temps?

J'attendais une explication façon physique quantique (à laquelle j'aurais sans doute pas compris grand chose), lorsqu'il a plutôt pointé l'horloge de la salle d'entraînement, arrêtée depuis un mois parce qu'on est trop paresseux pour aller acheter de nouvelles piles.

Alors que l'horloge, je m'en souvenais, s'était arrêtée aux alentours de 3 heures de l'après-midi, elle indiquait désormais 6h30 et 30 secondes, ses trois aiguilles laissées à elles-mêmes ayant lentement glissé jusqu'à pointer vers le bas!

Très très local cet effet de la gravité sur le temps! ;)

vendredi 25 novembre 2011

Pourquoi j'ai d'la misère à bloguer

J'ai réalisé dernièrement que j'ai de plus en plus de mal à bloguer et que mes billets sont rarement prévus des semaines à l'avance comme c'était le cas à mes débuts. Plusieurs des facteurs qui jouent contre moi sont connus (notamment le manque de temps et l'essoufflement après presque trois ans de blogue), mais j'en ai réalisé un autre hier soir. C'est que, voyez-vous, la liste des sujets que ne peux pas aborder est rendue assez longue!

En voici un aperçu :

- Ma famille (ils sont une gang à venir lire, alors je me garde une petite gêne et je ne publie ici que les anecdotes comiques dont personne ne me tiendra rigueur)

- Mon boulot (idem que la famille : ils commencent à être nombreux à rôder par ici de temps en temps, alors faut une bonne couche de maquillage pour que je me permette d'évoquer une anecdote ou une autre)

- La politique interne du milieu de l'édition (y'a des choses qu'on peut dire et d'autres qu'on est mieux de taire... j'apprends tranquillement à faire la différence entre les deux)

- Les critiques de film ou de livre vraiment trash et baveuses (pas envie de recevoir de mises en demeure pour libelle!)

- Ma vie quotidienne (personne ne m'a signalé avoir du mal à dormir, alors je vais m'abstenir de vous alimenter en somnifères)

- Les arts martiaux à haute dose (je pourrais en parler 24 heures sur 24, mais la plupart d'entre vous changeriez de poste après 30 secondes...)

- Mes réflexions quasi-dépressives sur l'actualité ou la vie en générale (y'a assez de trucs déprimants dans le monde et j'écris des fictions assez noires, pas besoin d'en rajouter une couche)

- Des textes de fiction originaux (je passe moi-même très vite sur ceux que je vois sur d'autres blogues, sauf quand c'est des extraits de publication à venir)

- Des recettes (y'en a déjà assez sur le web, non?)

- Des billets trop fréquents sur l'état des projets (une fois par mois, ça passe, mais quotidiennement, ce serait un peu ridicule!)

Alors il me reste quoi comme sujets? L'écriture, les lectures et les films relativement recommandables, ainsi que les anecdotes drôles ou touchantes n'ayant qu'un très lointain rapport avec la famille ou le boulot.

Mouaip, pas étonnant que je manque d'inspiration par moment! Dites, puisque c'est vous qui me lisez, vous auriez pas des suggestions?

jeudi 24 novembre 2011

La métaphore de la maison

Y'en a qui sont écrivains, y'en a d'autres qui sont architectes.

Y'a des architectes qui accouchent de trucs comme le Guggenheim. Y'en a qui pondent plutôt le plan du prochain néo-manoir disponible en trois couleurs dans le nouveau quartier ultra-monotone de lointaine banlieue. (Ici, ma métaphore vacille, parce que les promoteurs qui font des quartiers tous pareils ont rarement des architectes à leur emploi, mais bon...). Y'en a un qui a pensé à l'horreur ultra-moderne à deux rues de chez moi... qui s'est pourtant vendue dans le temps de le dire l'été passé.

On peut apprécier le Guggenheim, vivre dans un néo-manoir parce que c'était ce qu'il y avait sur le marché et reconnaître qu'une maison ultra-moderne, c'est ptêt laid, mais c'est super fonctionnel. Et tous les architectes aimeraient construire le prochain Guggenheim, mais il y en a qui ont tout juste l'occasion ou le talent pour faire des néo-manoirs. Une chose est sûre : l'architecte fait de son mieux avec ses moyens et ses contraintes. L'architecte ne décide pas un bon matin de construire une maison inhabitable qui va s'écrouler.

Pis l'écrivain ne s'assoit pas devant son ordinateur en se disant "Bon, aujourd'hui, je vais écrire de la marde".

Fallait que j'en parle...

mercredi 23 novembre 2011

Le dit du Musè (6)

Vincent, qui jouait à son jeu vidéo tandis que j'écrivais que je bloguais, s'exclame soudain : "Yes! Je viens de trouver un des objets magiques les plus forts du jeu!"

Un peu blasée par les noms des objets magiques dans les jeux vidéos (qui semblent souvent conçus par des Japonais passionnés des mêmes quatre mythes), je demande : "Ah, c'est quoi cette fois-ci? Excalibur? Le marteau de Thor? Masamune? Murasame?"

"Non, me répond-t-il, c'est pas une épée, c'est des souliers :  les Souliers éternels. Des souliers pour personnages féminins qui durent éternellement!"

Ok, là je dois admettre, j'étais impressionnée. Y'a pas de doute, ça doit vraiment être un objet magique d'une puissance infinie!

Addendum
Non, non, je ne viens pas de m'acheter de nouveaux souliers après un magasinage long et douloureux. Je vois même pas pourquoi cette idée aurait pu vous traverser l'esprit... ;)

mardi 22 novembre 2011

Utiliser la mythologie (7) - Comparaisons et Monomythe

Dernier billet sur la mythologie! Bravo, vous en êtes venus à bout sans me submerger de courriels me demandant de changer de sujet! hihihihi ;)

Aujourd'hui, je vais aborder la question très délicate (et contestée) de la mythologie comparée. Bon, il ne faut pas la tête à Papineau pour remarquer qu'il y a des mythes qui se ressemblent. On ne sait plus combien il y a de mythe du déluge (au moins un Grec, un Mésopotamien, un chrétien). Les cieux abondent en grands barbus brandissant des éclairs (Zeus et Thor en tête de liste). Et la terre est souvent une jeune fille qui meurt une fois l'hiver venue (Perséphone ou les déesses celtes de la végétation).

Des anthropologues ont étudié ces similitudes entre les mythes, en cherchant à y trouver du sens, un "signifiant humain commun". Des psychologues ont essayé de comprendre les raisonnements qui avaient mené à la création de ces mythes. D'autres chercheurs ont voulu tracer la carte de la dispersion de ces mythes et essayer de remonter jusqu'à l'origine de ces mythes communs (que Dumézil, ben oui encore lui, imaginait tous issus du peuple originel).

Les résultats de la mythologie comparés ont été tantôt fort heureux (par exemple en permettant d'extrapoler un système de croyance complet à partir d'éléments fragmentaires grâce à la comparaison avec des systèmes semblables), tantôt fort malheureux (lorsque des Chrétiens se sont mis en tête de prouver qu'un dieu unique était déjà présent dès les origines de l'humanité et que tout mythe n'était donc qu'une Bible mal écrite). Le problème c'est que les découvertes de la mythologie comparée ne peuvent quitter le domaine théorique et sont donc extrêmement sujettes aux interprétations et aux préjugés des chercheurs.

Le plus connu des adeptes de la mythologie comparée est sans doute Joseph Campbell, un chercheur qui, après avoir étudié maintes mythologies, a écrit "Le héros aux mille et un visages". Dans cet essai, Campbell soutient le postulat du monomythe, c'est-à-dire que, selon lui, tous les mythes sont les variations de la même et unique histoire (normalement, ça devrait vous dire quelque chose, parce que cette idée circule beaucoup dans les milieux où on tente désespérément de créer du neuf...). Pour Campbell, la structure fondamentale de tout mythe contient un certain nombre d'étapes, qui incluent :

1.Un appel à l'aventure, que le héros doit accepter ou décliner

2.Un cheminement d'épreuves, où le héros réussit ou échoue

3.La réalisation du but ou du gain, qui lui apporte souvent une meilleure connaissance de lui-même

4.Un retour vers le monde ordinaire, où le héros réussit ou échoue

5.L'utilisation du gain, qui peut permettre d'améliorer le monde

Si vous avez l'impression que vous êtes en terrain connu, c'est normal. Non seulement George Lucas a admis ouvertement s'être inspiré de l'ouvrage de Campbell pour écrire Star Wars (et c'est rare qu'il est aussi transparent à propos de ses sources d'inspiration : il nie encore avoir imité "The Last Castle" de Kurosawa...), mais disons que le bouquin est bien connu à Hollywood et qu'on en retrouve des traces très nettes de Disney à Avatar, en passant par Matrix.

Bref, c'est peut-être pas la meilleure piste à creuser si vous voulez être un tantinet original! ;)

lundi 21 novembre 2011

Au salon du livre de Montréal

Au salon du livre de Montréal, en arrivant j'étais crevée et démoralisée, auteure orpheline de mère et de livres (puisqu'Hanaken n'était nulle part) venue là un peu par principe.

Puis j'ai jasé avec pleins de copains passionnés, qui écrivent, qui publient, qui vont publier... Les Isabelle, Jonathan, Ariane, Caroline, Élisabeth, Mylène, Luc, Dominic, Guillaume, Philippe-Aubert, Sébastien, Pascale, Richard, Pat, Mariane et Josée de ce monde, vous m'avez fait un bien fou hier! :)

J'ai aussi eu le temps de discuter avec la Grande Dame d'une nouvelle que j'avais travaillé avec elle en atelier et que Solaris venait de refuser (en me disant qu'ils aimeraient en lire une ré-écriture). Je crois qu'avec son aide et celle d'Isa, on a réussi à la remettre sur de meilleurs rails. On verra ce que ça donne une fois réécrite.

Au 5 à 7 des blogueurs, j'ai eu la grande joie de voir apparaître mon chéri, qui pourtant n'aime pas tellement les occasions où la conversation tient lieu d'unique divertissement.

Plus tard, de retour au salon, alors que je faisais signer Yves Ménard dans mon Solaris, il m'a demandé comment allaient mes projets. Je me suis dit que c'était le monde à l'envers...

J'ai terminé la soirée assise derrière une table de dédicace, dans le stand Alire, après avoir fait la bise à Daniel Sernine, à Francine Pelletier et à Joël Champetier. Éric Gauthier est venu me demander une dédicace pour ma nouvelle gagnante du prix Alibis. Des amis ont amenées leurs copies de Hanaken spécialement pour l'occasion. J'ai signée tout ça les mains tremblantes.

Au salon du livre de Montréal, en repartant je me sentais comme une petite fille émerveillée. J'ai l'impression d'entrer peu à peu dans un monde magique que j'ai regardé de loin toute ma vie. Et même s'il se révèle moins idyllique que je l'aurais souhaité, peu importe : c'est dans ce monde-là que je veux vivre!

vendredi 18 novembre 2011

Salon du livre de Montréal

Le Salon du livre de Montréal bat son plein et, tel qu'annoncé dans la page "Pour passer me voir" (pour ceux qui ont pris la peine de cliquer) je vais être au kiosque Alire samedi soir à 20h pour signer des Alibis! :) 

Par contre, comme vous l'aurez peut-être remarqué en regardant le programme, je n'ai pas de séance de signature de prévue pour Hanaken. Pourquoi? Ben parce que la cession d'éditeur en cours a causé des problèmes au niveau du distributeur et que là mon pauvre petit bouquin se retrouve entre deux chaises. Il est supposé être quelque part sur les tablettes du salon, mais l'auteure, elle, aura pas la chance de s'asseoir derrière une tite table pour harponner les clients. J'suis déçue, mais bon, c'est la vie (et comme je suis encore dans une phase "au moins moi je suis en vie et en santé", ça m'aide à relativiser le reste).

Bref, tout ça veut dire que samedi, ce sera pour moi... un gros party!!!

Je vais passer la journée avec Isa à parcourir les allées, faire des coucous aux amis, envoyer mon budget aux oubliettes, placoter à m'en décrocher la mâchoire, boire au 5 à 7 des blogueurs organisé par Lucille et finir tout ça en jouant les vedettes au stand Alire.

Quand même pas pire comme journée, non? ;)

jeudi 17 novembre 2011

Utiliser la mythologie (6) - Fonctionnalisme et Histoire

Je vous rassure : cette interminable série achève. J'ai presque fini de mettre de l'ordre dans mes notes de cours et, en plus, j'ai déjà décidé comment j'aborderais la mythologie que je désirais construire! hihihi

Alors, aujourd'hui nous allons aborder l'école "fonctionnaliste" de l'interprétation des mythes, ainsi que l'école proprement historique. J'en parle en parallèle, parce que la frontière entre les deux est trop ténue, tant qu'à moi, pour qu'on s'y attarde.

En gros, les fonctionnalistes disent que les mythes avaient une fonction sociale, qu'ils servaient à refléter et à véhiculer les valeurs de la société, à éduquer. (Et, à mon avis, ils semblent être tombés pas mal près d'une explication assez universelle...)

Cette vision des mythes semble s'appliquer particulièrement aux mythes grecs entourant Héra. En effet, Héra, femme de Zeus, le plus infidèle des dieux, est toujours représentée comme une épouse fidèle. Elle peut être jalouse ou vindicatrice, mais elle ne vit jamais d'aventure extraconjugale. Comme, dans le monde grec, la pureté de la descendance était importante, on comprend que les mythes entourant Héra servaient à éduquer les jeunes filles. On leur apprenait à imiter cette "reine des dieux" et à rester fidèle à leur époux. On leur apprenait aussi que si elles avaient des aventures, elles risquaient de s'attirer le courroux d'Héra. Bon, par la bande, on leur apprenait aussi qu'il était correct d'être méchante envers l'époux infidèle ou ses conquêtes, mais je suppose que c'était un juste retour du balancier! ;)

Les mythes entourant Arès (dieu de la guerre brutale) et Athéna (déesse de la guerre rusée, de l'espionnage et de la stratégie) avaient également une valeur d'éducation. En effet, dans toutes les histoires où les deux divités s'opposent, Arès perd. Le message aux jeunes Grecs (destinés à vivre en tant que soldat dans un pays en guerre constante) était clair : si vous comptez juste sur vos muscles, vous vous ferez battre par une fille! ;)
(Mais non, je ne vulgarise pas à outrance, voyons! ;)

Pour les historiens, cette interprétation de la fonction sociale des mythes est évidemment une mine d'or pour essayer de retracer les valeurs des civilisations, en dehors des textes de lois officiels ou des écrits des intellectuels de l'époque. À partir de cette interprétation, on peut extrapoler et interpréter un changement dans la version du mythe comme un changement de valeur sociale et en tirer certaines conclusions.

Mais ce qui est le plus intéressant au niveau des mythes, pour les historiens, c'est tout le bagage de culture matérielle et de gestes quotidiens qu'ils traînent avec eux sans en avoir l'air. Quand on lit l'Illiade et qu'on se fait raconter trois fois qu'un combattant, pour se rendre, touchait les genoux de son adversaire pour se mettre sous sa protection, on finit par comprendre qu'il y a une signification là. Que ce n'est pas seulement une enjolivure de l'auteur. Même chose lorsqu'on lit le mythe de Prométhée, qui accomplit le premier sacrifice animal en faveur de Zeus et lui demande de choisir la part qui revient aux dieux. Zeus est trompé et choisit par erreur la graisse et les os, laissant la peau et la viande aux humains. Ce récit a permis aux historiens de comprendre que lors d'un sacrifice fait aux dieux, on ne laissait pas l'animal pourrir ou se gaspiller : seule la graisse et les os était brûlée pour honorer les dieux. Le reste était mangé.

Évidemment, il faut faire toutes ces interprétations historiques avec beaucoup de prudence, parce qu'il est très difficile de savoir à quelle époque les mythes font référence. Ainsi, on ne sait pas si la manière de faire des sacrifices a évolué dans le temps, si un jour les gens ont décidé de brûler un peu de viande pour les dieux ou, au contraire, d'arrêter de leur donner les os, mais en conservant le mythe tel quel par habitude. D'ailleurs, on a fini par découvrir que l'Illiade raconte des événements qui se sont passé vers la fin de l'époque Mycénienne (vers -1200), mais que les poèmes ont probablement été codifiés, écrits et figés dans leur forme au cours des Siècles obscurs (vers -750). Alors les événements et la taille des armées correspond à la gloire de l'époque Mycénienne, mais la description des objets d'usage courant, des palais, de la structure des familles, etc, semble plutôt être celle des Siècles obscurs, qui étaient beaucoup plus pauvres.

Cela dit, ce qui donne des maux de tête aux historiens peut se révéler une manne pour les écrivains. On peut aisément imaginer des mythes qui se révèlent être en partie vraie, mais dans un cadre chronologique différent, avec des conséquences sur des "légendes" officielles ou de la propagande et tous les impacts tordus que vous pourrez imaginer! ;) Quant à la fonction pédagogique des mythes, suffit de la rendre un peu subtile (et de la prévoir longtemps à l'avance dans le récit) pour en faire un ressort d'intrigue fort utile.

mercredi 16 novembre 2011

Tu sais que (9)

Tu sais que ton livre est bon quand t'es obligé d'écarquiller les yeux pour les garder ouverts, parce qu'il est vraiment l'heure que tu fermes ton bouquin et que tu ailles te coucher! (sauf qu'il reste juste 30 pages à lire...)

Tu sais que t'es fatiguée quand, un matin, tu as plus envie de prendre l'autobus que de faire le trajet en voiture avec ton conjoint, parce que dans l'autobus y'a personne de vexé si tu dors. (Et, non, cette affirmation n'a rien à voir avec la précédente, voyons!)

Tu sais que t'as pas pris assez de vacances cette année quand les ressources humaines t'appellent pour te demander si tu es bien sûre que tu veux te faire payer toutes ces journées là. Ben c'est pas que j'aime pas être en congé, mais pendant ce temps-là le boulot s'accumule et je reviens plus stressée qu'avant de partir. J'peux-tu donner mes journées de vacances à mes patrons pis leur enlever leurs blackberries avant de les mettre de force dans un avion? Ça, ça me reposerait.

Tu sais que la personne qui te parle monologue sans se soucier de son interlocuteur lorsqu'elle te vante depuis vingt minutes les vertus et les bienfaits de l'exercice physique... qu'elle pratique trois fois par semaine depuis un gros deux semaines. C'est pas que je suis pas d'accord, c'est juste que je suis un ti-peu au courant!!!

mardi 15 novembre 2011

Utiliser la mythologie (5) - Psychanalyse, Dumézil et Structuralisme

Alors, j'espère que cette petite interminable série de billets sur la mythologie vous intéresse, parce qu'en voilà un autre épisode...

Ce qui est bien avec la mythologie, c'est que comme c'est vieux et fragmentaire et éclaté, on peut finir par lui faire dire à peu près n'importe quoi. Il y a d'ailleurs trois hommes qui sont passés maîtres dans l'art de faire dire n'importe quoi aux mythes. Dans l'ordre chronologique, nous avons donc...

Freud et l'approche psychanalytique

Selon Freud, tous vos problèmes viennent de vos rapports à votre mère ou à votre père ou au sexe ou à la mort ou aux trois en même temps. La preuve, c'est que c'était déjà comme ça dans l'Antiquité, c'est pas pour rien que les Grecs ont écrit le mythe d'Oedipe. (Pitchez-moi pas de tomates, je simplifie outrageusement, je sais, je sais!). Bref, Freud cherchait dans les mythes des archétypes des problèmes humains. Pis des fois il les trouvait tellement facilement que c'est dur de dire qu'il avait tort. À d'autres moments... Passons.

L'aspect intéressant de l'approche psychanalytique, pour un écrivain de SFFF, c'est de considérer le fait qu'une civilisation non humaine risque d'avoir une psychologie non humaine et sans doute alors des mythes basés sur cette psychologie pour expliquer le tout... (J'espère que je viens de donner des maux de têtes aux écrivains de SF! ;)

Dumézil et les indo-européens

Pendant longtemps, on a cru qu'il y avait eu une grande civilisation perdue, la civilisation des indo-européens, qui était à l'origine de tous les peuples caucasiens et de presque toutes les langues d'Europe. Dumézil, suivant ce courant de pensée, en est arrivé à la conclusion qu'en analysant ce que les langues et les mythes avaient en commun, il arriverait à reconstituer la culture de ce peuple originel.

Bon, depuis on s'est rendu compte qu'il y avait plutôt eu des échanges culturels constants entre les premiers peuples (ce qui explique par exemple la parenté entre le mythe japonais d'Izanagi et d'Izanami avec celui, gréco-romain d'Éros et Psychée) et qu'il n'y avait donc pas de noyau fondateur. Mais c'est pas grave : avouez que la théorie de Dumézil, cette idée de remonter vers une vérité (ou un peuple perdu) à travers les mythes, a quelque chose de franchement séduisant pour un écrivain!

(Surtout si je vous casse pas les pieds avec l'autre théorie de Dumézil, celle voulant que tout mythe indo-européen est marqué par la tri-fonctionnalité religieuse/ guerrière/ nourricière, c'est-à-dire qu'il y a toujours trois personnages qui occupent toujours ces trois fonctions, même si en fait on ne voit que deux personnages ou même s'il y en a quatre et si là vous commencez à plus rien comprendre, c'est normal, c'est pas pour rien qu'un essai d'histoire s'intitule "Faut-il brûler Dumézil?")

Lévi-Strauss et le structuralisme

Cette école-ci, je vais vous en parler vite, principalement parce que j'y ai jamais rien compris. En gros, Lévi-Strauss a avancé l'idée que l'important avec les mythes ce n'était pas ce qu'ils racontaient, mais la structuration (d'où "structuralisme") de leurs idées. Le structuralisme identifie les "mythèmes" importants des mythes (la méthode par laquelle les mythèmes sont choisis reste un mystère, mais je soupçonne que ça inclut des sacrifices animaux) puis fait une lecture du récit en regardant comment ces mythèmes (combat, liens familiaux, émotions, etc) sont traités. Et, à la fin, il vous sortira une théorie voulant que le minotaure représentait l'amour déçu, en opposition avec l'affection filiale. Ah bon.

Ce qui m'étonne le plus, c'est que cette école, à ce que j'ai pu remarquer, est la plus étudiée dans les cours de littérature qui traitent de la mythologie. Probablement parce que son rapport aux symboles peut être générateur d'inspiration... ou parce qu'elle apprend à l'écrivain qu'en retournant un récit suffisamment longtemps, on arrive toujours à le présenter de façon à ce qu'il reflète des thèmes importants pour le lecteur... ou pour un jury du Conseil des arts! ;)

lundi 14 novembre 2011

Utiliser la mythologie (4) - Étiologie et Fondation

C'est lundi! Alors on commence avec un cours de mythologie (avouez qu'il y a pire matière pour partir sa semaine ;)

Une partie des universitaires pédants partisans du "positivisme", dont je vous ai déjà parlé, ont un jour changé leur fusil d'épaule et se sont mis à dire que les Grecs n'étaient pas des arriérés qui croyaient vraiment que leurs dieux vivaient sur une montagne et fôlatraient avec les bergères, mais qu'ils étaient au contraire des scientifiques qui tentaient d'expliquer le monde à l'aide d'un vocabulaire limité et qui utilisaient donc des récits fantasistes pour préserver et faire connaître leurs découvertes.

C'est ce qu'on nomme l'interprétation "étiologique" d'un mythe, c'est-à-dire que le récit raconté est destiné à expliquer les causes et les effets d'une réalité du monde.

Ainsi, les tenants de l'étiologie prennent souvent comme exemple le mythe d'Hélios et de Phaéton (où Hélios est le dieu qui conduit le soleil dans un char autour de la terre et Phaéton le fils qui veut un jour conduire le char de papa, mais qui fait ça tout croche et brûle une partie de l'Afrique parce qu'il passe trop près), croyant y trouver la preuve que les Grecs savaient que la Terre était ronde (ils ont fini par savoir, en effet) et que la peau noire des Africains était une acclimatation au climat.

Personnellement, je crois que l'interprétation étiologique des mythes est à utiliser avec précaution, parce qu'une fois qu'on connaît les faits scientifiques, c'est facile de retourner en arrière et de plaquer la vérité par dessus les multiples fantaisies des mythes. Cela dit, si vous décidez de parsemer vos fictions de faux récits étiologiques, ça pourrait se révéler très drôle! C'est particulièrement adapté à un univers qui aurait connu un âge obscur ou autre éclipse de la science.

Les scientifiques qui sont à l'écoute ont peut-être des exemples de récits étiologiques intéressants? (soit parce qu'ils sonnent vrais, soit parce qu'ils racontaient vraiment n'importe quoi)

Certains rapprochent les mythes de fondation des grandes cités à des mythes étiologiques, parce que ce sont également des mythes destinés à expliquer un phénomène ou ses origines.

Par exemple, dans l'Antiquité, les Grecs racontaient que Rome avait été fondée par un descendant du Troyen Énée. Cela expliquait, à leurs yeux, pourquoi la civilisation romaine était si puissante, sans être grecque : les Romains étaient les descendants d'un autre peuple "civilisé" que les Grecs avaient côtoyé.

Du côté des Romains, on racontait plutôt que Rome avait été fondée par les deux frères Rémus et Romulus, enfanté par le dieu Mars lui-même (selon les versions, soit avec une femme d'une grande beauté, soit avec une descendante d'Énée). Les enfants ayant été abandonné, ils furent nourris par une louve (en latin, ça se dit lupa et c'est pas clair si c'est un animal ou une prostituée puisque les deux se disaient pareil). Lorsque les frères, ayant grandi, avaient dû décider qui dirigerait la ville, Rémus avait vu en premier un augure le favorisant, mais Romulus en avait vu de plus nombreux. La primauté aurait dû l'emporter, mais le nombre des augures était si impressionnant que Romulus était devenu le chef. Cela avait laissé Rémus amer et il s'était moqué de Romulus en franchissant le sillon qui marquait l'enceinte sacrée de la cité. Outré qu'on bafoue ainsi sa cité, Romulus tua Rémus.

Ainsi, les Romains, selon leurs propres mythes, descendaient d'une louve et du dieu de la guerre, d'un homme pour qui la force du nombre pouvait l'emporter sur un principe et qui n'avait pas hésité à tuer son frère pour protéger sa ville. Disons qu'ils servaient un avertissement clair à tous les peuples qui auraient pu se dresser sur leur chemin, tout en expliquant d'où leur venait leur férocité au combat.

vendredi 11 novembre 2011

Utiliser la mythologie (3) - Evhémérisme

Après cet intermède, je continue ma série de billets sur la façon d'interpréter et d'utiliser la mythologie.

Après le positivisme et la simple compilation, une autre école d'interprétation de la mythologie, c'est de considérer que toutes les histoires concernant les dieux ou les héros sont en fait des récits rapportant, en les exagérant et les amplifiant, les exploits de gens morts depuis fort longtemps, mais qu'on a divinisé (ou tout comme). On nomme cette école "evhémérisme" et elle était déjà présente dans l'Antiquité!

Et c'est à partir de ce billet-ci que mon petit exposé sur les mythologies va devenir intéressant (ou que vous allez décrocher complètement) : l'evhémérisme est une interprétation tout à fait acceptable des mythes. Enfin, de certains d'entre-eux. Ou plutôt de certaines parties d'entre-eux. Parfois. Sous le bon éclairage. En oubliant pas que c'est exagéré. (Vous allez voir, je vais vous dire ça à propos de plein d'autres écoles d'interprétation, parce que s'il y a une règle avec les véritables mythologies, c'est qu'elles sont toujours floues et issues d'un amalgames d'influences.)

Le meilleur exemple d'evhémérisme est sans doute le cas du roi Arthur et des chevaliers de la table ronde. Un roi nommé Artus faisait partie d'un cycle de légendes celtes bien avant que Chrétien de Troyes le récupère pour en faire un roi modèle. Les sources historiques nous laissent penser que ce roi a bel et bien existé. Quant aux divers personnages qui peuplent sa cour, ils seraient apparus à différentes époques, chaque ancêtre un peu illustre des divers peuples voyant ses exploits reculer dans le temps peu à peu jusqu'à ce qu'il devienne un contemporain d'Arthur.

Ce procédé est parfaitement utilisable en littérature, mais pour donner un bon résultat vous devrez probablement établir les actions vraiment posées par votre héros, puis la légende qui en découle, puis la réaction des gens à cette légende et peut-être, éventuellement, la découverte d'une partie de la vérité grâce à des fouilles archéologiques ou autres recherches (mais faites attention : on a rarement des réponses claires et complètes avec l'archéologie!). Oups, je viens de vous raconter une des trames qui sous-tendent "Chroniques du Pays des Mères" d'Élisabeth Vonarburg... :p

Maintenant, pour terminer la semaine en beauté, jouons à un jeu : quel personnage moderne pourrait faire l'objet d'évhémérisme et prendre un aspect mythologique dans une histoire de SF qui se déroulerait dans deux ou trois siècles?

jeudi 10 novembre 2011

Nager sans se mouiller de Carlos Salem

Prenons une pause de mythologie et laissez-moi vous parler d'un roman que j'ai acheté à Toulouse, après avoir rencontré l'auteur, un Argentin établit en Espagne qui, soit dit en passant, avait des tatous de gang sud-américains plein les bras, un bandeau de pirate sur la tête et une voix hyper rauque qui compétitionne avec celle d'Éric Lapointe. Bref, il avait l'air d'un sympathique bandit à la retraite, alors je me suis dit qu'une personnalité pareille devait avoir pondu des oeuvres assez originales. Étant celle que je suis, je lui ai demandé son roman "le plus noir" et je me suis retrouvée avec Nager sans se mouiller, publié en français chez Actes Sud et chez Babel Noir (en format poche).

Le résumé du roman est le suivant :

Juanito Pérez Pérez, bientôt quadragénaire, timide et divorcé, est cadre supérieur dans une multinationale. Mais il est aussi Numéro Trois, un redoutable tueur à gages qui ne s’est jamais posé de questions sur son métier. Jusqu’à ce jour. Au cours des premières vacances qu’il passe seul avec ses enfants, il devra remplir un contrat de dernière minute : surveiller une future victime dans un camping de nudistes sur la côte sud de l’Espagne.

Là, Juanito/Numéro Trois va découvrir que rien n'est ce que l'on croit. Nu face à la vie et nu face à la mort, il rencontrera son ex-femme et son nouvel amoureux, un ami d'enfance à qui il a volé un œil et une jambe, un policier atypique qui a plusieurs fois croisé sa route, un rival au sein de sa propre Entreprise qui est peut-être là pour l'exécuter ainsi que sa famille, et une mystérieuse jeune fille qui va le pousser à affronter les dangers de l'amour.

Entre l'urgence de sauver les siens et le besoin de comprendre, le protagoniste sent que l'heure est arrivée de choisir qui il veut être, s'il survit. Et que, comme disait toujours son vieux maître, "il est impossible de nager sans se mouiller".
 
Dès le résumé, le coup du tueur à gages pogné dans un camp de nudiste, m'a semblé excellent. Quoi de mieux pour dépouiller l'assassin professionnel de tout son arsenal et de le forcer à résoudre ses problèmes d'une manière originale? Je me suis donc plongée dans la lecture du bouquin...
 
Je ne peux pas dire que j'ai été déçue. L'écriture s'est révélée très originale, comme la personnalité de l'auteur me l'avait laissé présager. Pendant toute la première moitié du bouquin, j'ai rigolé toute seule devant les situations plus cocasses les unes que les autres. 
 
Puis l'histoire s'est embourbée un peu. La noirceur annoncée n'est jamais arrivée. Et l'imbroglio fantasque s'est dénoué de façon toute aussi improbable qu'il s'était créé. J'ai refermé le bouquin en ayant l'impression d'avoir passé un très bon moment, mais pas nécessairement celui que j'attendais. Un peu comme si on m'avait présenté le film The Princess Bride/La Princesse Bouton d'or alors que je prévoyais voir Braveheart.
 
Bref, une très bonne lecture si vous avez envie de quelque chose de léger et de rigolo sans trop vous éloigner du rayon "polar". Mais une maudite chance que j'ai demandé à l'auteur son roman "le plus noir"!!!
 
(Lecture 2011 #45)

mercredi 9 novembre 2011

Utiliser la mythologie (2) - Positivisme et Compilation

L'école d'interprétation dite du "positivisme" est la plus ancienne et la plus connue. Au fond, ce n'est pas une école d'interprétation, mais tout simplement le fait de prendre les mythes au pied de la lettre.

Cette école est rencontrée chez les adeptes peu éduqués des diverses civilisations antiques (et chez certains de nos contemporains qui habitent l'Ouest Canadien! hihihi), ainsi que chez les universitaires condescendants qui ont propagé, pendant un temps, l'idée que les Grecs croyaient vraiment que leurs dieux vivaient sur le sommet de l'Olympe ou que c'était un type nommé Zeus qui lançait les éclairs lors des orages.

En littérature, présenter un peuple qui interprète ses mythes de façon positiviste veut dire mettre en scène une belle gang de naïfs, un monde hyper magique ou encore de sinistres fanatiques religieux constamment confirmés dans leur foi! En variant les mythes et les interprétations au pied de la lettre, on peut donc arriver tant à des effets cocasses qu'horribles.

Question quizz pour vous garder réveillés : avez-vous des exemples de roman utilisant cette approche de la mythologie?

Les positivistes rencontrent souvent un gros problème dans leur interprétation de la mythologie et il s'agit du fait que les versions d'une même histoire varient fréquemment et substanciellement. D'ailleurs, dès l'Antiquité, des compilateurs se sont acharnés à tenter de repérer toutes les versions d'une même histoire et de les fondre tant bien que mal en une seule (au grand bonheur des positivistes).

Cependant, ce qui est intéressant (pour l'historien) avec les compilations des versions d'un même mythe, ce n'est pas d'arriver à un résultat final cohérent, mais bien d'essayer de comprendre d'où viennent les variations dans le récit et ce qui les explique... mais pour ça, faut souvent faire appel à d'autres méthodes d'interprétation de la mythologie (qui seront abordées dans de prochains billets ;)

En attendant, (puisqu'on est entre écrivain) rien ne nous empêche d'imaginer nos propres mythes, nos propres variations et cos propres explications!

mardi 8 novembre 2011

Utiliser la mythologie (1)

Pour faire suite à mes deux billets sur Le Silence de la Cité et Chroniques du Pays des Mères d'Élisabeth Vonarburg, j'ai décidé de vous faire une série de billets pour parler un peu de mythologie. Ou plutôt, de vous jaser d'une notion chère aux historiens : les écoles d'interprétation de la mythologie.

(Veuillez noter que j'entends "mythologie" dans son sens le plus large, celui d'ensemble d'histoires qui se veulent des réponses aux "grandes questions" de l'humain : d'où vient-il, où va-t-il et pourquoi? Cette utilisation du terme "mythologie" empiète donc un peu sur le terrain de la légende et est peuplée de dieux, demi-dieux, héros, personnifications diverses et monstres.)

Dans la plupart des bouquins de SFFF, on présente des mythologies alternatives, très solides, très claires, très structurées, reconnues comme véridiques par les populations... Bref, des mythologies qui puent l'intervention de l'auteur à plein nez! (en tout cas, pour un historien)

Voyez-vous, selon les textes qui nous sont parvenus, il semblerait qu'à partir du moment où une civilisation atteint le niveau technique nécessaire pour coucher ses mythes et légendes par écrit, cette civilisation commence déjà à moins croire à eux. À remettre sa mythologie en question. Et à tenter de l'interpréter afin d'en tirer tout de même des enseignements...

Alors histoire de vous donner des idées pour développer vos sociétés dans vos prochaines histoires de SFFF (et afin de mettre au propre mes notes de cours qui datent déjà de quelques années), je vais vous présenter dans les prochains jours quelques écoles d'interprétation des mythologies. Et lancer un million de pistes sur la façon de les utiliser! (Ça a l'air gentil de ma part, mais en fait c'est parce que je vous utilise comme public pendant que je réfléchis à des avenues possibles pour un projet qui mijote, héhéhéhé).

J'ai l'intention de prendre pour matériel les mythes gréco-romains, alors est-ce qu'il y en a que vous connaissez bien et/ou préférez? (Comme ça je saurai dans quel matériel puisez mes exemples)

lundi 7 novembre 2011

Du mérite d'un conseil

En fin de semaine, je m'entraînais au jiu-jitsu avec mon chum (1 pied plus grand que moi, environ 40 livres de plus) et son frère (11 pouces de plus de moi, minimum 60 livres de plus). Au programme : travail sur la position dite "de garde". Principe de la position : la personne qui tente de se défendre est couchée sur le dos et enroule ses jambes autour de la taille ou des hanches de son adversaire, pour contrôler sa liberté de mouvement. (Si vous tentez d'imaginer la pose et que ça vous semble une image franchement tendancieuse, vous avez compris le principe...)

Mon problème dans cette histoire? Je n'ai pas la masse musculaire et l'effet de levier nécessaire pour immobiliser et contrôler des hommes de la carrure de mes partenaires d'entraînement. Voilà des années que je tente de développer des stratégies, des façons de bouger, d'attaquer, de me déplacer pour pallier à la différence de gabarit. Rien à faire. Il y a des positions au jiu-jitsu où être petite m'avantage. Mais dans la position de garde, c'est un méchant inconvénient. Lorsque j'allais régulièrement m'entraîner dans un dojo, c'était pas trop grave : je me trouvais un "petit" partenaire (genre un gars qui faisait à peine 6 pouces et 30 livres de plus que moi) et j'arrivais à me débrouiller. Mais depuis que je m'entraîne principalement chez moi, avec les deux géants qui me servent de chum et de beau-frère, je découvre l'étendue de mon handicap.

Or, en fin de semaine, mon chum a eu une illumination. Il s'était déjà entraîné avec notre prof de jiu-jitsu, qui était très petit. Et il s'est souvenu que le prof, en position de garde, n'essayait pas de contrôler son opposant (ce qui est la stratégie normale), mais appuyait plutôt ses talons sur les hanches de son adversaire et se servait de ses jambes pour accompagner ses mouvements et le déstabiliser. Incapable d'utiliser lui-même les principes dont il venait de se souvenir, mon chum me les a expliqués.

Et ce fut le déclic qui me manquait. Bon, je suis pas parvenue à exploiter immédiatement le plein potentiel de cette stratégie et j'ai quand même perdu la majorité de mes combats, mais c'est pas grave : j'ai donné du fil à retordre à mes adversaires et je sais que je suis sur la bonne voie.

Comme quoi un bon conseil, c'est parfois tout ce qui nous manque, peu importe s'il origine de quelqu'un qui ne l'applique pas lui-même! ;)

vendredi 4 novembre 2011

La machine est relancée

Après tous les hauts et les bas encaissés dernièrement, j'ai eu du mal à me mettre à écrire la suite d'Hanaken. Je tournais en rond, je taponnais mon plan, je saisissais toutes les occasions de faire autre chose. Or, le délai se rapproche (faudrait que je livre une première version au mois de mars) et mon chum commençait à devenir nerveux!

Alors il m'a un peu poussée dans le dos pour que je me mette à écrire. Ce fut pénible. Le chapitre un voulait pas sortir, je trouvais pas le bon ton. Il m'a fallu deux fins de semaine pour le rédiger (alors qu'il fait à peine 1700 mots). Puis j'ai écrit un second chapitre. Tout aussi pénible à coucher sur papier. Et franchement moche à la relecture. J'ai écris la première phrase du troisième chapitre et j'ai tout fermé, découragée.

Le document a macéré quelques jours dans les entrailles informatiques de mes multiples outils de sauvegarde. Et un drôle de phénomène s'est produit : le document s'est mis à m'appeler.

Tellement qu'un midi je l'ai ouvert au bureau. J'ai relu ce que j'avais écrit. Et c'était pas aussi nul que je me le rappelais. J'ai retouché quelques phrases. Ajouté un peu de couleur.

Et réalisé que ça faisait longtemps que j'avais pas écrit durant mon heure de lunch... Depuis que j'avais mis la touche finale au tome I, en fait.

Bon, j'pense que mon chum peut arrêter de s'inquiéter : la machine est relancée!

jeudi 3 novembre 2011

Je voulais parler d'autre chose

Je voulais vous parler de tout autre chose aujourd'hui... Puis je suis tombée sur deux articles qui m'ont touchée et qui m'ont donné d'écrire ce billlet en forme de point d'interrogation...
Tout d'abord, il y a eu l'article de Patrick Lagacé qui dit, en somme, que les homosexuels qui cachent leur orientation se font les alliés involontaires des jeunes qui intimident leurs pairs à cause de leurs airs efféminés ou de leur homosexualité affirmée. Après tout, dit Lagacé, si les adultes cachent leur orientation, ils envoient le message aux jeunes que celle-ci est honteuse, que c'est une différence qu'on doit cacher, une raison valable, donc, d'intimider et de mettre à l'écart les homosexuels qui s'affichent. Lagacé résume le problème à un manque de modèles homosexuels que les jeunes, hétéros ou non, respecteraient et qui leur feraient mieux accepter l'homosexualité. Pour lui, afficher son orientation serait donc un devoir pour toutes les vedettes et personnalités publiques homosexuelles.

Ensuite, j'ai lu l'article d'Yves Boisvert qui répond à celui de Lagacé. Boisvert, en tant que chroniqueur judiciaire, est aux premières loges pour observer le fait que la discrimination, malgré les lois qui la prohibe, n'est pas chose du passé. Qu'un homosexuel qui s'affiche rencontre souvent de nombreuses difficultés tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Boisvert soulève aussi l'idée que ce n'est pas tout le monde qui est capable de devenir un modèle, un héros, un porte-étendard. Plusieurs homosexuels ont eu besoin de nombreuses années avant de s'accepter eux-mêmes, en privé. Ils ont connu des adolescences difficiles, se sont fait intimider, rejeter, juger... Souvent, leur famille ne les a pas suivis sur le chemin de leur "sortie de placard". Boisvert trouve injuste qu'on fasse peser sur eux une obligation morale de s'afficher au grand jour.

Voyez-vous, j'avais envie de vous parler de ces deux articles, parce que je trouve qu'ils reflètent bien l'ambivalence que je ressens sur la question de l'affichage ou non de l'orientation sexuelle des gens. Comme Lagacé, je crois que si plus de personnalités publiques affichaient leur homosexualité (surtout des sportifs que personne oserait traiter ouvertement de "fif"), cela rendrait la vie plus facile à la jeune génération.

Par contre, comme Boisvert, je sais que s'afficher n'est pas facile pour les homosexuels et que tous n'ont pas la personnalité leur permettant de le supporter. Ma petite soeur a été capable d'assumer le fait qu'elle aimait les femmes et de le vivre ouvertement, mais il lui a fallu des années pour y arriver (et une famille très ouverte d'esprit, qui avait deviné depuis longtemps). Et lorsque les parents de sa copine actuelle l'ont rejetée, elle s'est sentie à nouveau comme une adolescente à qui l'ont crie des noms...

Alors, dites-moi, d'après vous, les personnalités publiques ont-elles un devoir moral d'afficher leur orientation sexuelle? Davantage de modèles homosexuels aideraient-ils vraiment les gens à mieux accepter ce genre de différence? Ou est-ce qu'ils permettraient seulement aux jeunes homosexuels de mieux vivre avec eux-mêmes? Ce qui pourrait déjà constituer un grand pas en avant...

mercredi 2 novembre 2011

Chroniques du Pays des Mères d'Élisabeth Vonarburg

Au Pays des Mères, quelque part sur une Terre dévastée du futur en train de se remettre lentement, les hommes sont très rares. Seules les Captes des Familles ­ les Mères font leur enfantes avec les Mâles. Les autres femmes doivent utiliser une forme hasardeuse d'insémination artificielle.

Lisbeï et Tula ne s'en soucient pas trop : filles de la Mère de Béthély, elles grandissent ensemble, soeurs et amies. Mais Liseï se révèle stérile ; ne pouvant être la Mère comme elle en avait rêvé, elle doit quitter Béthély, et Tula.

Devenue «exploratrice», elle accomplira un autre de ses rêves : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères. Mais certains rêves sont difficiles à vivre...

J'avais lu pour la première fois "Chroniques du Pays des Mères" d'Élisabeth Vonarburg quand j'avais quatorze ou quinze ans et je l'avais adoré. Pourtant, à l'époque, une bonne partie des thématiques du roman m'avait complètement échappé. Cependant, ce bouquin a beaucoup de rythme et de souffle. Le personnage de Lisbeï est complexe, torturé et il s'insère dans un arrière-monde très mystérieux : la société du Pays des Mères, une structure étrange, à la fois jeune et ancienne, engoncée dans des tabous dont elle ne se rappelle plus l'origine, mais qu'elle n'ose pas transgresser. Le lecteur vieillit avec Lisbeï et découvre à travers ses yeux le Pays des Mères, ses croyances et ses légendes.

En revisitant dernièrement le Pays des Mères avec mes yeux de femme adulte (et de femme connaissant des difficultés à concevoir son premier enfant), j'ai remarqué les aspects plus philosophiques du roman : l'éternelle interrogation d'Élisabeth à propos des genres, bien sûr, mais également une réflexion sur le passé, la foi, la légende, ainsi qu'une représentation du désir de survie de la race humaine dans ce qu'il peut avoir de plus maladif et excessif.

À l'époque de ma première lecture, ce roman m'avait laissé l'impression d'une histoire féministe, du récit d'un monde où l'on se passait très bien des hommes. Or, à la relecture, il m'apparaît au contraire comme un récit empreint d'une grande tendresse et d'une grande affection envers les hommes, que les tabous de la société du Pays des Mères relèguent au rang de reproducteur et qu'on soupçonne toujours d'être des sources de violence, alors qu'au fond, on le sent au fil des chapitres, la quasi-disparition des mâles n'a pas du tout éradiqué la violence.

Toutefois, ce qui m'a le plus impressionnée lors de mon retour au Pays des Mères, ce n'est ni l'aspect philosophique du roman, ni sa relation aux genres. Non, ce qui m'a frappée, c'est la façon qu'a eu la Grande Dame (et le surnom est parfaitement mérité) de déconstruire sa propre oeuvre (Le Silence de la Cité) pour en faire la matière des contes et légendes du Pays des Mères.

Élisabeth n'est pas la première à utiliser l'un de ses romans comme arrière-plan mythologique pour un récit subséquent. Cependant, dans ces cas-là, les écrivains tombent souvent dans le péché de la mythologie trop claire, trop organisée (j'y reviendrai dans un prochain billet). Or, il n'y a rien de tel chez Élisabeth. Même après avoir lu "Le Silence de la Cité", à certains moments on se demande comment les faits qui y sont racontés ont pu être détournés au point de devenir la base de la foi du Pays des Mères. Et pourtant, le tout fonctionne et présente même une logique typiquement religieuse.

Bref, si vous avez envie d'un bouquin de science-fantasy à la fois intelligent et divertissant, "Chroniques du Pays des Mères" est à lire. Et si vous êtes un écrivain qui a envie d'apprendre quelques trucs, je vous suggère fortement de vous procurer "Le Silence de la Cité" en prime et de lire les deux volumes en conjonction. Y'a beaucoup de matière à réflexion là-dedans!

(Lecture 2011 #44)

mardi 1 novembre 2011

Le Silence de la Cité d'Élisabeth Vonarburg

Plus de trois siècles se sont écoulés depuis les catastrophes climatiques de la fin du second millénaire et les héritiers de la civilisation détruite, de plus en plus rares et de plus en plus désaxés, vivent dans une Cité souterraine avec leurs doubles technologiques. Dernière enfant de cette Cité, Élisa est une petite fille aux capacités physiques étonnantes ; fruit des expériences génétiques de Paul, elle annonce une humanité résolument nouvelle. Mais Élisa saura-t-elle se libérer du passé qui l'a littéralement modelée? Et qu'en sera-t-il des hommes qui, hors les Cités, ont survécu à la barbarerie et aux mutations de toutes sortes ?
 
Ceux qui ont assité à des Congrès Boréal ont probablement entendu Élisabeth Vonarburg parler de l'écriture du "Silence dans la Cité" (publié d'abord chez Denoël, puis ré-édité par Alire). Et surtout de la scène-clef où, alors que plusieurs personnages sont rassemblés, un meurtre se produit. Scène-clef pour laquelle Élisabeth avait envisagé toutes les combinaisons possibles, croyait-elle, et avait dû laisser le texte reposer pendant quelques jours avant que la solution lui saute aux yeux (il y avait une possibilité qu'elle n'avait pas considérée et qui, à la lecture, nous semble pourtant comme la seule issue possible).
 
C'est donc pour tirer au clair cette histoire de scène-clef et de dilemne d'écrivain que j'ai acheté le roman et que je me suis plongée dans sa lecture. C'est le premier roman d'Élisabeth, alors il n'a pas tout à fait le souffle ou la poésie qu'on rencontrera par la suite dans l'oeuvre de la Grande Dame, mais ses thèmes fétiches y sont déjà. 
 
Son personnage principal, Élisa, est le fruit d'une expérience et accepte de porter le fardeau auquel ont l'a destinée dès sa conception. Cependant, ses propres enfants, fruits également de manipulations génétiques, se poseront davantage de question. De plus, dans ce monde frappé par un virus où il naît beaucoup moins d'hommes que de femmes, la question des genres et de leur définition occupe une grande place dans le récit... et trouve une résolution pour le moins étonnante.
 
Quant à la fameuse scène-clef, j'ai eu une surprise en la lisant : j'ai réalisé qu'il s'agissait en fait des événements qui allaient servir de toile de fond à une autre oeuvre d'Élisabeth Vonarburg : "Chroniques du pays des mères". L'ayant lu des années plus tôt, en l'empruntant à la bibliothèque, je me suis empressée de l'acheter afin de le lire à nouveau...
 
(Lecture 2011 #43)