mardi 28 juillet 2009

Perdue dans la traduction

Il y a un problème que je rencontre de plus en plus souvent en écrivant et c'est celui de la réalité du langage québécois.

Ma génération est généralement plus bilingue que la précédente. Ça se reflète beaucoup dans leur langage quotidien. Si, pour mes parents, il n'y avait pas de problème à appeler un punching bag un "sac de frappe" ou un "sac de sable", pour ma génération, ça sonne déjà plutôt artificiel. Et là je n'évoque même pas l'idée d'appeler des runnings des "souliers de course". Mais bon, me diriez-vous, si tu écris des romans, tu n'en es pas à un truc artificiel près.

D'accord... mais si j'ai un personnage notoirement viril et macho, va-t-il dire "le suspect portait un blouson de cuir"? Ça fait un peu niaiseux, non? C'est d'un coat de cuir dont il veut parler... Et un ado ne demandera normalement pas une cigarette à quelqu'un, mais plutôt une smoke. La solution facile est sans doute de décider que, dans les dialogues ou en cas de narrateur participant, les personnages vont pouvoir parler en "franglais" et en joual. Ok...

Sauf que... et les termes techniques, eux? Un double leg takedown, vous en faites quoi? Un renversement par une double saisie aux jambes?? (Ouach!) Cherchez pas l'équivalent français, je viens d'y perdre deux heures, nos cousins d'outre-atlantique préfèrent le terme japonais. Et le mui thai clinch? Une saisie de type boxe thaïe!?! Oh et est-ce que l'Office de la langue a décidé si je pouvais mettre un "s" à sushi? Et est-ce que quelqu'un va leur dire que personne ne dit qu'ils ont trouvé une information "dans l'Internet", à part les grands-mamans?

Pffff... j'suis pas sortie du bois...

Ou est-ce que je devrais écrire "j'chu" ?

10 commentaires:

Vincent a dit…

J'ai tendance à penser que l'office de la langue française n'est pas très intéressée par les régionalismes et le franglais québécois. Par contre, l'office semble intéressée par les régionalismes et le franglais de France.

Si "weekend" et "shopping" sont des anglicismes acceptés en France et que "tire" ou "caisse" (en parlant d'une voiture) sont des régionalismes acceptés en France, je ne vois pas pourquoi les anglicismes et régionalismes du Québec devraient être refusés.

Mais qui est bien placé pour leur dire et pour changer les choses?

Si ça s'améliore, tant mieux, mais sinon, je crois que tu n'auras pas le choix de faire comme bon te semble et espérer que d'éventuels correcteurs et réviseurs de maisons d'édition comprennent ta situation et n'essaient pas de trop modifier ton texte pour le rendre conforme au français accepté.

Gen a dit…

C'est plutôt le point de vue des éditeurs qui m'inquiètent... Verront-ils des qualités à un texte écrit en langage "réel" ou sera-t-il boudé?

Vincent a dit…

Je suppose que ça va dépendre de chacun d'entre-eux, mais j'ai bien peur qu'ils soient pointilleux.

Mathilde a dit…

Et moi qui pensait que depuis Michel Tremblay on était débarrassés de ce genre de question ! *soupir*

Mathilde a dit…

Oups, pensais ! Ou l'autre est-il accepté à cause du qui ? Je n'ai pas le Grevisse à la maison... ;)

Gen a dit…

Ben non! lol! Essaie de retranscrire une conversation que tu a eu avec des amis (à l'extérieur d'un colloque) et tu vas comprendre le problème. ;) En moyenne, il y a un mot de joual par phrase et un anglicisme à toutes les deux répliques!!!

Et en même temps, est-ce qu'il faut vraiment "tomber" dans le Tremblay? (Qui lui-même utilisait un langage très littéraire dans sa narration, réservant le joual aux dialogues) Ou alors est-ce qu'on devrait aller plus loin que lui encore? (Et employer un langage naturel même dans la narration?)

Misères, doutes et douleurs...

Gen a dit…

Et ça reste toi qui penses et non qui.
Heu... c'tu clair ça?

Mathilde a dit…

Le langage de colloque n'a rien de naturel. Pourquoi diable les gens (moi y compris) se mettent-ils à dire "donc" à toutes les 25 secondes quand ils sont en présence d'un prof d'université ?

Pour ce qui est d'utiliser un langage plus courant, si ça se fait quand il s'agit d'argot parisien, pourquoi ne le ferait-on pas en langage québécois ? Je pense aux romans de Léo Malet, qui écrit parfois en style plus littéraire et parfois en style tout ce qu'il y a de plus argotique, mais comme le récit est à la première personne, c'est évidemment un peu différent d'un narrateur omniscient. J'en profite pour te le recommander, d'ailleurs, Léo Malet.

À bien y penser, je ne connais pas beaucoup de gens qui écrivent vraiment comme ils parlent. C'est ça qui fait le charme des romans de Dany Laferrière et des ouvrages savants de Richard Bodéüs (un des profs de philo ancienne à l'udm)... Remarque que peut-être que Proust parlait en faisant des phrases interminables, mais on ne peut pas le savoir !

Et oui, c'est clair ! Si j'ai bien compris, le verbe dont le sujet est un pronom relatif s'accorderait en genre, nombre et personne avec l'antécédent.

ClaudeL a dit…

Il s'agit selon noi de trouver le style, le ton et ensuite d'être cohérent tout au long du texte. Ne pas oublier que c'est un texte écrit qui sera lu et pas une pièce de théâtre. Et savoir à qui on s'adresse. Le vocabulaire viendra (presque) tout seul. Il y a plusieurs niveaux de langage (famillier, soutenu) et un roman n'est pas une annonce de journal et un poème n'est pas un dialogue.
J'ai travaillé 20 ans pour un hebdomadaire à monter des annonces. Au début les commercant voulaient que j'écrive "gas" au lieu d'essence sous prétexte que c'est ce que les clients disaient. Ça m'a pris beaucoup de patience pour venir à bout de leur faire comprendre qu'on ne parle pas comme on écrit. Je me suis même fâchée un jour et j'ai failli dire: " ce n'est pas parce qu'on dit Chri... de câl... qu'on peut l'écrire dans une annonce". Je me suis retenue, mais c'Était quand même l'idée.
Et je considère qu'un auteur a une certaine responsabilité aussi. D'éducation.
Donc je me concentrerais sur le ton global, le style que je veux donner; dans les dialogues, chaque personnage serait lui-même avec ses patois, ses propres mots et dans la narration, ce serait plus conventionnel. Quitte à me faire une liste de mots et d'expressions qui cadrent ou non dans l'ensemble.
Quant à savoir si l'éditeur va acheter, c'est une autre histoire en effet et une autre recherche et une autre argumentation, mais si l'ensemble se tient...
Me semble que c'est pas mal magistral mon affaire!!! Vous ferez bien ce que vous voulez, hihihi!

Gen a dit…

Merci pour les commentaires ClaudeL.
J'en étais déjà arrivée à la même conclusion pour la cohérence. Pour ce qui est du devoir d'éducation... disons que je l'endosse ou pas, selon le texte. Je n'écris pas pour les enfants de toute façon.
C'est vraiment au niveau des éditeurs que je m'inquiète... mais bon, qui vivra verra!