jeudi 16 septembre 2010

L'enrouleur de temps - Extrait

Voici un extrait de ma nouvelle "L'enrouleur de temps" qui sort dans le 27e numéro de Brins d'éternité... numéro qui sera en vente dès demain 17h, lors du lancement au Saint-Bock (1749 rue St-Denis, Montréal). Alors si ça vous tente de vous procurer votre numéro avant tout le monde, venez faire un tour! ;)

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L'enrouleur de temps

7- Bientôt la planque

La reprise de contact avec le sol est brutale. Son genou gauche se dérobe un peu sous lui, mais, après quelques pas chancelants, Loki arrive à poursuivre sa course. Droit devant, il aperçoit les couleurs mouvantes de la délivrance. Bientôt la planque.

Loki râle à chaque respiration. L’air qu’il inspire lui déchire la gorge et les poumons, puis les lacère à nouveau lorsqu’il expire. Sa cage thoracique lui semble trop étroite pour contenir les battements de son cœur affolé. Ses jambes bougent toutes seules, par résignation semble-t-il, mais, à chaque pas, il craint de trébucher. Ses bras pompent l’air, le long de ses côtes douloureuses, dans un vain effort pour aider le reste de son corps à se mouvoir vers l’avant encore un peu, juste un peu.

Il a réussi. S’il se concentre sur cette pensée, Loki va oublier le reste. Oublier la course folle qu’il vient d’endurer, ses muscles en feu, cuisses, mollets, diaphragme… Oublier la souffrance qui lui donne envie de s’arrêter net et de les laisser le rattraper. Il sait qu’il a ralenti. Il doit se forcer à allonger encore la foulée. À respirer au rythme de ses pas. Le coin du mur de brique, l’ouverture sur la rue, qui semblait si loin il y a une minute, se rapproche à présent, enfin. Encore seize pas. Il sent que son corps coopère plus facilement. Sa respiration s’amplifie, mettant ses poumons à la torture, et ses enjambées s’étirent, malgré la brûlure de l’acide lactique qui empoisonne ses muscles. La douleur l’accable.

Sauf que cela importe peu, parce qu’il sait qu’arrivé au coin, qui n’est plus qu’à trois pas, son bras gauche va se tendre, prendre appui sur le mur, aider son corps à pivoter pour prendre le tournant au plus vite. Et là, devant lui, à portée de sa main droite, il y aura la porte de la planque. Dans laquelle il n’y aura personne. Pas de policiers. Personne.

Son pied se soulève pour la dernière enjambée, son bras se tend, sa main se pose sur la brique brûlante, s’écorche un peu sur la surface rugueuse. Sa vitesse et ce nouveau point d’appui le font tourner sans effort vis-à-vis du mur où se trouve la porte de la planque. C’est à deux mains qu’il s’empare de la poignée...

18 commentaires:

Pat a dit…

Rho... C'est méchant ça.
Je veux savoir ce qu'il y a derrière cette porte (et, conséquemment, qui est Loki, pourquoi on le poursuit, ...)!

Bon... j'ai pas le choix j'imagine. *rassemble ses maigres économies*

Mais sinon, j'aime beaucoup cette scène. Très vivante, très prenante. Belle trouvaille avec l'inspiration qui déchire et l'expiration qui lacère. J'aime!

Karuna a dit…

Wow! Comme si on y était. Bravo.

Gen a dit…

@Pat-the-Cat : La trouvaille est le fruit d'un dur été d'entraînement à la course! :p

@Karuna : Ah ben merci! :)

richard tremblay a dit…

Moi je vais lire ça en fin de semaine !

Tu vas être là demain ? Tu pourras en faire une lecture publique, oui ?

Gen a dit…

@Richard : Oui, je vais y être. Pour la lecture publique heu... on verra? ;p

Yves a dit…

J'adore! Bien hâte de lire la suite!

Alamo St-Jean a dit…

Généralement, l'ambiance du St-Bock un vendredi soir est plutôt bruyante... Alors pour une lecture, apporte un mégaphone! ;)

Par contre, j'ai bien hâte de te lire collègue Brins d'éternitienne! :p

Gen a dit…

@Yves : Héhéhé! La suite ça risque d'être surprenant ;)

@Alamo : Yé, une excuse pour me défiler! :p (j'ai jamais fait de lecture publique et j'ai la trouille)

richard tremblay a dit…

Si c'est trop bruyant à l'Intérieur, tu feras la lecture à l'extérieur, juste devant Le Gentlemen's Choice, tiens ça mettrait de l'ambiance ;-)

Gen a dit…

Oh! Avec des propositions pareilles, tu vas te ramasser une tape sur le nez! :p

Pierre H.Charron a dit…

Jde suis abonné maintenant..Ca faque je vais savoir la suite bientôt....à moins que demain....on ne sait jamais.....

Alamo a dit…

Bah, j'peux toujours lire à ta place? :P lol

Isabelle Lauzon a dit…

Non, je n'ai pas lu l'extrait, ni même les commentaires... Je me garde la surprise de cette nouvelle, j'ai hâte de la lire!

Là, je me pose une question cruciale : j'espère qu'il me restait encore un numéro dans mon abonnement à BE... Et que je vais effectivement recevoir très bientôt ce fameux numéro... J'ai eu aucun rappel, alors je dois être correcte encore? (Une fille inquiète, là!)

Gen a dit…

@Pierre : Ah? Une surprise possible demain?

@Alamo : lolol! Tu aurais du fun :p

@Isa : Je pense qu'on fait les rappels, alors oui, tu devrais être correcte.

Frédéric Raymond a dit…

J'ai lu ta nouvelle ce matin et j'ai beaucoup aimé. La structure de ton texte est impressionante. À cause des différents rappels entre les sections, je me suis pris à chercher en avant et en arrière les éléments qui liaient les sections et nous situaient dans le temps. J'avais vraiment l'impression que le texte s'enroulait... Bravo!

Gen a dit…

@Fred : Merci, mais si tu savais à quel point ça a été l'enfer de trouver la bonne structure pour ce texte! lol! C'était une idée de Vincent au départ ce concept de narration et il m'a fait suer sang et eau! (Encore!)

Mais je suis fière du résultat final en effet! :) Et j'en dois toute une à Guillaume!

Frédéric Raymond a dit…

@Gen J'ai pas de misère à croire que ça a été dur à écrire. J'aurais jamais osé essayer de faire ca...

Gen a dit…

@Fred : C'est l'exemple parfait d'un truc qui était faisable en format "nouvelle", mais faudrait être méchamment fêlé pour s'y essayer en roman.

Mettons que le cinéma supporte mieux ce genre de montage. Je soupçonne d'ailleurs que c'est à cause du film "Memento" que Vincent avait eu cette idée.